« AVS c’est tout pourri » ( via Fakir )

« Je m’excuse d’avance pour mon niveau de langue pas très soutenu.C’est probablement la malnutrition qui me rend con con, vu que je suis payé 607 euros net pour 24h/semaine. Une histoire de vacances on m’a dit.

J’aimerais qu’on garde en tête en me lisant que je ne le fais pas complètement par dépit, et que le bien-être des enfants avec qui je bosse me préoccupe.Mais ici je ne vais pas parler de mes conditions de travail, un petit maillon dans la vaste chaîne de je-m’en-foutisme qui entoure ces gamins-là.

Imagine, un matin, tu te lèves, tu vas dans un bahut inconnu que personne ne te fera visiter et on te présente au petit Brandon. Il a peut-être des troubles du comportement qui le poussent à te planter un compas dans la main quand la situation le dépasse.Il faut peut-être l’aider aux toilettes alors qu’il mesure un mètre cube. Peut-être qu’il a la phobie des taille-crayons et qu’il est aphasique. Qu’il est sous mesure judiciaire. Comment savoir ? T’as même pas une fiche récapitulant les infos de base, ou une micro-note, sans parler d’avoir une discussion à propos de l’enfant avec un véritable être humain. T’es fou ? Ca demanderait une heure à quelqu’un qui a un vrai métier. Donc un prof qui passera par là fera  » Brandon, voici Virginie, ta nouvelle AVS » et en route pour le cours de maths.

Evidemment ça t’interpelle un peu. Dieu merci, trois mois après avoir commencé à bosser, tu auras peut-être quelques jours de formation. Un chef de service vient te donner les statistiques du handicap en Picardie, un sous-traitant de Pôle emploi t’explique que t’as l’avenir devant toi et qu’il faut penser à l’après contrat aidé. Il y aura aussi des cours intéressants pour avoir des bases en psychologie, mais vu que tu travailles pas en équipe ça n’est d’aucune utilité. C’est ballot vu que c’est toi que le gamin voit le plus dans sa journée. T’aurais le temps de travailler plein de trucs. Je dis « trucs » car j’ai pas la moindre idée de ce qu’un orthophoniste ou un éduc’ spé fait de sa journée.

Quand j’ai fait la formation, des professionnels nous ont expliqué en biaisant qu’on avait pas le droit de rencontrer les parents, pour ne pas « se mettre en difficulté ».
On est pas inclus dans le secret médical et tout ça, vu qu’on est du domaine de l’école. Faut pas tout mélanger. Puis on va pas donner des responsabilités à des gros « cas sos » envoyé(e)s par Pôle emploi, non ? Voilà pourquoi tu arrives au boulot en en sachant autant que n’importe qui pris dans la rue.

Donc d’une part tu sais pas qui est Brandon, mais tu ne sais pas non plus ce que foutent ses profs. Et là, c’est la grande loterie. Tout dépend du bon vouloir de l’enseignant. S’il ne sait pas/ ne vaut pas, t’es dans la merde. On t’a bien expliqué en formation que c’est lui qui a fait les études, tu suis. Y a pas un coin de table ou un casier qui t’est consacré. T’as pas de collègue et y a personne dans le bahut qui est obligé de te parler dans sa fiche de poste. Il est possible que tu te retrouves avec un enfant TED ( trouble envahissant du développement) alors que le reste de ta carrière dans le handicap c’était plutôt avec des troubles visuels. Situation encore plus savoureuse: mettons, t’es en école primaire depuis deux ans, tu peux te retrouver en terminale S.

A partir de là je pourrais raconter dix mille anecdotes de situations débiles, dangereuses… Mais ce serait trop long, et je tiens à l’anonymat.
Je voudrais juste faire sentir le côté contre-productif pour le pauvre Brandon, à qui tu finis par t’attacher à force de le suivre partout dans une foule d’inconnus, et mon dégoût qu’un boulot si con existe, alors que ça peut devenir tellement mieux ».
Jane Doe

Sources: Journal Fakir n°80( avril-juin 2017)
http://www.fakirpresse.info

10 commentaires

  1. On vit exactement ce que vous décrivez. Que d’incohérences dans ce système ! Je travaille en maternelle et en primaire avec des enfants qui ont un handicap léger et pas physique. Heureusement ! Je ne saurais pas comment faire. L’affectif et l’attention font des miracles, et je suis super soutenue par les enseignants. Ouf ! Pauvres collègues qui n’ont pas ma chance. Catapultés dans un métier dont on ne connaît rien. Courage, collègue.

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  2. « T’as pas de collègue et y a personne dans le bahut qui est obligé de te parler dans sa fiche de poste. » C’est sans doute le meilleur texte que j’ai lu, résumant notre métier. Je me suis souvent demandé ce que je faisais dans un livre de Franz Kafka. Profession plus absurde, il n’y a pas. Bravo à celui qui a écrit cela.

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  3. *c’est mieux sans les fautes*

    Pourquoi, ils ne penseraient pas à regrouper tous les enfants en difficulté dans un seul centre par secteur avec tous les AVS du secteur, tous les professionnels seraient sur place : qui suivraient les enfants, ce qui éviterait autant de rendez-vous par ci et par là : Un bus qui récupérerait les enfants le matin les ramerait l’après-mis un suivi par groupe d’enfants qui présentent les mêmes pathologies : ce serait bien mieux pour tous : à mon sens : avec plus d’heures pour nous : formation en continue pour les AVS et aussi les enseignants désignés : Voilà une démarche que nous AVS pourrions soumettre au Gourvernement , pour le bien de nos enfants…….

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    • @Jocelyne. Parce que ce dont vous parlez s’appelle de la ségrégation et non pas de l’inclusion. Tous ces enfants ont besoin aussi d’être avec des camarades de leur âge et qui soient neurotypiques. En plus, vous imaginez les heures passées tous les jours dans les transports?

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  4. Ça existe déjà ce que vous décrivez ça s appelle l uliss mais le but c est d intégrer les enfants en cursus classique avec les autres donc les regrouper tous ensemble serait l envers du but recherché !

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