« Lettre d’une AVS… Une quoi ? »

J’éprouve un besoin, une obsession, mieux une obligation. Témoigner.
Je suis auxiliaire de vie scolaire. Ce que j’éprouve n’est pas de l’aigreur ou de la fatigue mais plutôt un sentiment d’impuissance et d’injustice.
Je suis une femme, j’ai 40 ans, je vis en couple et j’ai deux enfants.
Je possède une maîtrise d’arts plastiques.
J’ai travaillé dans le domaine du social tout en étant bénévole dans une association d’arts plastiques et en ayant passé un certificat d’art thérapie.

Depuis 8 ans je travaille en tant qu’auxiliaire de vie scolaire.
Vous savez ces personnes sans qui les enfants handicapés ne pourraient ou auraient de grandes difficultés à être scolarisés.
Vous connaissez ? Ces personnes qui sont embauchées avec un baccalauréat minimum, qui tentent d’adapter la pédagogie des professeurs au handicap de l’enfant qu’ils accompagnent, qui assistent aux réunions pluridisciplinaires pour mettre en place un projet d’accueil de l’élève dans l’école.
Vous savez ces personnes qui s’informent, se documentent sur le handicap spécifique de l’enfant dont ils s’occupent.
Ces personnes qui aident l’enfant à la bonne mise en œuvre de son intégration sociale avec ses camarades, avec le personnel de l’école, celles qui font le lien entre les parents et l’école, celles qui dialoguent, qui écoutent, qui essaient de comprendre, d’expliquer.
Celles qui aident l’enfant à aller aux toilettes, qui le nettoient, qui le recoiffent, qui le rhabillent, qui l’accompagnent dans toutes les activités scolaires extérieures à l’école.
Ces personnes payées une misère auxquelles aucun CDI ou titularisation ne peuvent être promis, auxquelles aucune certitude de reconduction de CDD ne peut être garantie.

Et bien, ces personnes c’est moi et quelques milliers d’autres qui aiment leur travail, qui se sentent utiles et qui réfléchissent à leurs rôles professionnels dans leur établissement, qui s’adaptent aux différents enfants qu’ils suivent, qui sont surdiplômés par rapport à la fiche de poste qu’ils ont ou par rapport au dernier « diplôme » niveau CAP pondu par on ne sait qui .
Ce sont ces personnes qui depuis des années ont réfléchi et ont créé le métier d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) maintenant accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH)
,oui les acronymes sont importants dans l’Education Nationale.

Après 6 ans de contrat d’un an, renouvelé tous les ans, je suis virée, non pas que je travaille mal, que j’ai commis une faute grave, non il s’agit de la fin de ce système de renouvellement qui mettrait l’éducation nationale en infraction si elle me proposait un autre contrat.
Deux ans de chômage où je vous passerai les détails pour trouver un emploi ou prétendre à une formation professionnelle.
Puis un autre contrat, privé, en CAE-CUI. Qu’est- ce donc ? Mon salaire est subventionné à 70% par pôle emploi pour permettre à un autre établissement
de me recruter. Il s’agit à la base d’un contrat pour aider les plus démunis, les plus mal diplômés à être embauchés.
J’ai droit à ce contrat car cela fait 2 ans que je suis au chômage. Quelle aubaine pour les principaux d’établissement qui peuvent embaucher à 20h, pas plus, au smic (675€ par mois) des personnes soit diplômées en psychologie, soit avec une expérience de plusieurs années dans le monde du handicap, soit ayant un master I, II etc.
Ce contrat est valable 2 ans et ne peut être renouvelé. Me voilà en fin de contrat, j’ai 40 ans, une famille, une expérience professionnelle qui n’est
absolument pas reconnue, et quoi ? Il faut que je refasse 2 ans de chômage pour pouvoir être à nouveau rembauchée ? 675€ de chômage ça fait… Oups, à peu près 400€ par mois pendant 2 ans. Quelle aubaine !

J’avais envie d’expliquer ma situation qui est semblable à beaucoup d’autre et encore, je peux prétendre avoir de la chance d’avoir un compagnon qui travaille. ( Bonjour l’indépendance financière ! au revoir féminisme !)
Une collègue doit aller au resto du cœur pour nourrir son enfant. Elle rentre dans les statistiques des travailleurs pauvres surdiplômés.
J’en deviendrais cynique si ce n’était pas à pleurer ! Comment être disponible et à l’écoute de tous ces enfants emprisonnés dans leur handicap lorsque l’on ne sait pas si son propre enfant mangera à la fin du mois ? Et pourtant, elle parle de son métier comme d’une passion.

Mais voilà que mes deux ans de contrat se terminent, et voilà que j’ose demander un CDI. Qu’ai-je fait, quoi ! Non, mais moi petite AVS demander un CDI, alors que j’ai raté tous mes concours, alors que l’inspection académique n’a aucune trace de mes recherches d’emploi pérenne…
Non, vous ne rêvez pas, c’est exactement ce que m’a répondu mon administration.
Après de nombreuses turpitudes et combats, j’ai décroché…un nouveau CDD renouvelable tous les ans pendant 6ans à 600€ par mois !
Me voici repartie dans les méandres de contrat précaire, de CDD qui n’en finissent plus, de quotité horaire dérisoire.
Allez tiens bon après 14 ans de CDD tu pourras peut-être bénéficier de l’aumône d’un CDI à 20h.
L’AESH est très souvent femme, très souvent considérée comme dévote, prédisposée au bien être des autres, au « care », tout ce qui peut être dans notre schéma de société patriarcale dévolu à la féminité.
Pourtant accompagner un élève handicapé n’est pas que du soin et de la douceur. Parfois il s’agit aussi d’une relation conflictuelle, d’une réflexion psychologique et pédagogique, d’une observation, d’une posture professionnelle et non compassionnelle, il s’agit de comprendre le fonctionnement de l’enfant de l’intégrer dans un projet de progression dans ses apprentissages, il s’agit d’un travail d’adaptation, un travail de groupe, d’équipe, il s’agit d’inclusion scolaire.

C’est un métier passionnant que beaucoup laissent tomber à contre cœur au vue du salaire misérable.
Mais de plus en plus de collectifs d’AVS et d’AESH se créent un peu partout en France qui ne murmurent plus mais crient, grondent et commencent à se faire entendre.
Impuissance, injustice, dégoût, voilà mes sentiments, mes sensations face à l’immobilisme des pouvoirs publics.
J’écris cette lettre pour tous les parents d’enfants en situation de handicap qui sont épuisés de devoir combattre, revendiquer, tomber, se relever, se remettre prêt au combat pour leur enfant.
Je l’écris pour tous les accompagnants qui sont injustement maltraités par l’administration, qui ne sont « rien » (c’est à la mode, je crois) face aux hauts fonctionnaires de l’éducation nationale et qui font un travail remarquable.
Ceci est une réponse à un besoin, une obsession, une obligation. »

Agathe.

20 commentaires

  1. Bonjour, vous ne pouvez pas mieux résumer !! Je suis dans la situation de votre amie, maman de 53 ans solo avec une fille de 18 ans qui doit entrée a la faculté en septembre prochain et Ouiii avec 687 € par moi et un emploi précaire , comment peut-on exploiter encore un peu plus ces pauvres AVS nous sommes juste un pion pour ces petits qui ont besoins de gens comme nous!!! Parents aidés nous .

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    • La honte de refuser l intervention des AVS qui n est pas accepter et dérange quand on voit ce qui se trame derrière et devant elle pour ne pas qu elle sache ce qui se passe réellement dans la classe on essaye de la casser un peu plus chaque jours moqueries mensonges et bien d autres harcèlement au travail pour qu elle quitte son travail au fond et s en débarrasser son regard dérange on en ressort traumatiser.

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  2. oui AGATHE, oui, mille fois oui. Je te rejoins et me reconnais dans ta lettre et suis approximativement dans le mème cas de figure sauf que je suis plus âgée, et avec une longue expérience dans l’éducation spécialisé. J’ai eu le malheur de changer de région pour suivre mon conjoint, et là fini, plus d’expérience, plus de reconnaissance et cela fait 11 ans que je fais des CDD, payés au SMIC. J’ai de plus commis la pire des choses, avoir un enfant à 40 ans ……Alors depuis 4 années, j’exerce la fonction d’AVS en CUI, puisque éducatrice spécialisée, ce n’est plus possible…. J’aime ce que je fais mais la différence de salaire à été très difficile a accepter ainsi que le niveau de reconnaissance, je m’accroche et essaie là ou je suis de faire bouger les lignes …..

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  3. Merci pour ta colère qui me fait du bien.Cette précarité permanente est très difficile et pourtant c est un métier qui a du sens!Je suis en cdd aesh et c est très difficile de ne pas savoir si contrat renouvelle ou pas et cet espèce de salaire miséreux qui ne permet pas de vivre même si les enfants restent optimistes dans ce monde d adultes!!!!!

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  4. J’ai lu.
    Je me suis reconnue.
    Les larmes montent
    La gorge se serre
    La passion est
    Pourquoi tant de méprise et de braderie
    Pourquoi ça semble figé dans le marbre des vieille rues institutionnelles
    Pourquoi rien ne concorde….

    Pourquoi ? L’argent, cette erreur créée par l’Homme contre lui même.

    Val. Aesh.

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  5. bonjour!
    je suis un homme et aesh (et oui, il y en a, mais maintenant je suis habitué et accepte, toujours avec un sourire, la féminisation de ce métier, même quand on parle « d’une avs « , en ma présence en équipe de suivi…)
    rien à redire sur tes propos, car certes c’est un métier passionnant….mais tellement peu reconnu (et je ne parles pas que du salaire!)
    en tout cas je suis de tout coeur avec toi, et je pense que l’on est nombreux(ses) à partager ton avis, à en avoir marre de cette précarité, pour soi et pour les autres
    personnellement, j’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours d’aesh (je suis en cdi à 27h mensuel), à défaut de mon parcours professionnel (bac+3), mais suis dépité par la situation de nombres de mes collègues, et quand je vois le type de diplôme qu’ils nous pondent!
    je sens , et j’espères que l’ensemble de nos collègues vont réagir et ne plus accepter d’être traité(e)s de la sorte
    je suis du 44 (nantes) et dois avouer que dans notre département, on ne voit pas forcément beaucoup de collègues pour se rassembler ou assister à des réunions syndicales, mais j’ai bon espoir quand je vois que dans beaucoup de coin dans la france, les gens commencent à se réveiller
    bon courage à tous et à toutes
    nicolas

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  6. Bravo Agathe, quel courage, moi je l’ai un peu perdu !! Dans 2 ans, j’en aurai 50 !! j’ai un BAC + 3 et je me me dis : quelle cata !! alors c’est sûr c’est un métier passionnant, mais difficile, non seulement nous n’avons pas de salaire décent mais en plus nous n’avons même pas des formations intéressantes et utiles !! Je ne sais pas si c’est pareil dans toute la France, mais dans le 86 à Poitiers, c’est la catastrophe, on ne répond pas à nos questions, à nos demandes, le rectorat balance des personnes qui viennent de n’importe quel horizon sans formation sur le terrain et elles se retrouvent face à des enfants, des ados, des handicaps, des situations aussi différentes les unes que les autres, et aucunes aides pour s’adapter, pour débuter, pour savoir ce qu’il faut faire !! Alors moi j’ai eu la chance de tomber dans un Lycée extra, avec une CPE extra, qui à pris le temps de m’expliquer ce qu’il fallait faire et comment, et qui laisse sa porte ouverte en permanence en cas de besoin … mais Il ne faut surtout pas compter sur le rectorat, il faut aller sur internet pour se former, fouiller, aller dans les bibliothèques pour trouver des ouvrages appropriés au handicap de votre élève… bref c’était juste pour compléter un peu ton propos, car il y a tout ce que tu as dit qui est totalement vrai et qu’il faut dénoncer, tu as complètement raison, mais je crois qu’il est important que les parents savent que ce n’est pas un petit CAP qui va changer grand chose, surtout si le rectorat n’est pas capable de mettre un contenu utile dans cette formation !!
    bonne journée à tous
    Lo

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    • Lo, tu ne dois pas te décourager ! J’ai 55 ans, 2 années d’AVS et je démarre à la rentrée en tant qu’AESH, CDD d’un an.
      Le plus difficile pour moi est la non-reconnaissance des équipes avec lesquelles nous travaillons, et je l’attribue au manque de professionnalisation, donc avant tout de formation. Et aussi critiquable que soit le DEAES nouvellement créé, j’y vois quand même une avancée. Je compte le préparer en VAE.
      Je ressens ce besoin d’un diplôme pour être reconnue comme une professionnelle – j’ai vu trop d’AVS en CUI en manque total de motivation, je n’ose dire de « vocation ». Je suis d’accord avec Agathe, je marche comme beaucoup sur la même route qu’elle, mais les choses bougent, oui des collectifs se créent, il nous manque une représentation syndicale digne de ce nom, distincte des syndicats d’enseignants auprès desquels il est parfois très difficile de faire sa place.

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  7. Autisme Pyrénées Hélas, le combat est des deux côtés….AVS et Parents vs Administration qui n’a pas encore pris la mesure et l’ampleur du problème de l’inclusion des enfants handicapés. Il y aurait peut-être une action conjointe AVS-Assocations enfants handicapés à mener…

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  8. Beau résumé, que je vais partager, Agathe… Il y a 9 ans, je voyais la fin des six ans contractuels arriver (perso, j’avais bénéficié de contrats de 2 ans, gros privilège!). J’étais ultra formée (essentiellement par expériences successives et assez peu par les formations proposées qui venaient toujours « après la guerre ») j’avais une excellente réputation et j’avais fait partie de ceux qui ont essuyé les plâtres, quasi inconnus au bataillon, mais en vous lisant, je réalise que ça n’a quasiment pas changé, les AVS se débrouillent et trouvent en eux des trésors d’inventivité pour accompagner les élèves.

    Lors d’une réunion, une dame très haut perchée dans l’académie déclarait aux 400 AVS présents que leur fonction n’était pas un métier. Texto. Avec, en gros sous-entendu, « une fois que vous aurez fini vos 6 ans, faites une validation d’acquis, bougez vous les fesses et trouvez ENFIN un vrai métier » le tout assené sur un ton de mépris qui m’a mise dans une telle colère que je l’ai mouchée sur son terrain, sans m’énerver, avec acclamations finales (au temps pour ces bourrins d’AVS)

    Je ne sais pas ce qui est pire, ce salaire indigne ou le mépris que montre l’EN pour les pauvres petites fourmis travailleuses, en comptant toujours sur le « ils se débrouilleront ». Quoiqu’en fait c’est la même chose. A salaire indigne/statut inexistant/considération minimum.

    Mais l’indignité, elle est chez ceux qui décident que l’humain est moins important que des économies de moyens et de personnes, pourvu que la Machine fonctionne.

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  9. j’ai été confrontée de nombreuses fois dans ma carrière de directrice d’école à ce problème, il est non seulement celui des AVS, mais aussi celui des enfants (handicapés ou non de la classe), celui des parents (de l’enfant handicapé, mais aussi des autres de la classe), celui des enseignants, celui du directeur de l’école. Il FAUT reconnaître ce travail comme un vrai METIER, le sécuriser et le payer normalement!!! Les AVS sont devenus indispensables dans les écoles qui accueillent de plus en plus d’enfants handicapés, ils sont le pilier de la dignité de l’éducation nationale face au handicap dans les écoles. Je ne comprends pas que ça ne bouge pas plus… existe-t-il une pétition dans ce sens?

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  10. Ce sont de vraies missions qui nous sont confiées, donc c’est un vrai métier que nous exerçons, nous avons besoin de vraies formations et d’un vrai salaire !

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  11. Bonjour. Je suis maman de pierre ,il est autiste(tsa sévère).Parcours du combattant pour obtenir une avsi .Et enfin la bonne nouvelle arrive en novembre 2017.depuis cette date mon petit bout de chou progresse il est content d allerà l ecole.Et aujourd’hui nous en sommes là….l avsi a un lien fort avec pierre elle fait un travail formidable avec lui malheureusement ça ne plait pas à tout le monde (trop de proximite avec l enfant avec les parents c est l enseignante referente qui me la mis en pleine face)et depuis ce jour grosse tension a l ecole je suis a bout et bien entendu mon bebe le ressent.Pour ma part ,je vais me battre pour l avs.L education nationale prend plaisir à jouer avec les gens (contrat precaire)aucune considération pour elle…..

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