« AVS? Tu comptes faire ça toute ta vie? »

Réflexion de ma maman l’autre soir alors que nous passions ensemble un moment agréable à discuter de tout et de rien. Refaire le monde, comme nous le faisons à chaque fois quand je vais en congés chez mes parents.
Deux jours après,cette phrase résonne encore dans ma tête. D’accord, je sais qu’auxiliaire de vie scolaire (AVS)(ou accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH)) n’est pas encore un vrai métier.
Au départ, je suis restée sans voix, surprise puis triste qu’une telle question puisse m’être posée par ma mère! Elle connaît pourtant mon « combat » pour la reconnaissance de mon « job »: groupe Facebook, blog, compte Twitter, engagement avec le syndicat pour participer à des rassemblements devant le rectorat ou à des réunion inter-syndicales.Alors, passé le moment de surprise et déception, j’ai argumenté : je suis fière de ce que je fais, de permettre à des enfants en situation de handicap d’être inclus en classe ordinaire et de suivre une scolarité classique, comme ils en ont le droit selon la loi. Les AVS sont indispensables dans les établissements scolaires, sans nous, leur prise en charge serait impossible par les enseignants. Que deviendraient-ils? Ils n’iraient pas à l’école.

Au départ, j’ai commencé cette mission un peu « par hasard » j’avais déjà travaillé auprès des enfants, et l’idée d’accompagner des enfants en situation de handicap m’enthousiasmait.Bien sûr, je trouvais gratifiant d’exercer ma mission. Rapidement, j’ai découvert avec dégoût la manipulation de l’Education Nationale envers les AVS et les AESH. Le manque de reconnaissance de mes collègues enseignants, la précarité de nos contrats … Mais j’ai continué, car les élèves ont besoin de nous! Je ne dis pas que je me « sacrifie », car toutes les actions que j’entreprends en dehors de mes heures de travail me donnent la force de continuer.

Beaucoup me trouvent utopique, et même naïve. Ce qui semble donc être le cas de ma mère. Je pensais pourtant avoir son soutien, qu’elle était fière de mon « métier » d’AVS que j’exerce depuis 7 ans. Elle semblait heureuse que j’obtienne un CDD AESH, pour lequel je me suis battue pendant des mois avec le soutien des parents, des enseignants ( lettres de recommandation) et du syndicat. Tant d’incertitudes, souvent j’ai voulu abandonner, car même si ce fameux CDD m’était proposé je savais que pour le moment la précarité serait toujours là.Car le CDi possible au bout de 6 ans de CDD ne sera pas synonyme de stabilité professionnelle.

Mais le soutien de mon compagnon m’a permis de tenir. Sans lui, je ne serais certainement plus AVS. Heureusement que je ne suis pas seule, sinon comme beaucoup d’entre nous, j’aurais d’énormes difficultés financières. Nous sommes deux, ça change forcément la donne.Lui aussi est dans une situation précaire, pour l’instant enchaînant les missions d’intérim. Solution d’urgence, venant de contrées lointaines pour me rejoindre il n’a pas encore pu trouver d’emploi fixe.Accompagner ces enfants au quotidien me donne une leçon de courage, et j’oublie mon faible salaire, le peu d’argent sur nos comptes. J’apprends à me satisfaire de peu, et je suis heureuse malgré tout. Les vacances? Je peux en prendre à la campagne, dans ma famille, ou au bord de l’océan dans la famille de mon compagnon. Tous n’ont pas cette chance j’en suis consciente. Les sorties? En cherchant bien, toujours des activités peu onéreuses pour nous détendre.

Oui je compte faire « ça » toute ma vie j’ai alors conclu après mon long argumentaire, même si je sais pertinemment qu’il n’aura pas réussi à convaincre totalement ma maman. Je sais qu’elle s’inquiète de ma situation précaire,ça la peine de me voir toujours courir après l’argent. De faire un tel métier alors que j’ai des diplômes universitaires, et je la comprends.
Mais c’est mon choix. « Je suis heureuse, je ne me vois pas faire autre chose. Je ne me satisfais pas de mes conditions de travail, je ne reste pas spectatrice du mépris de l’Education Nationale envers les AVS. Je sais que nous méritons mieux » lui ai-je expliqué. « Et je reste convaincue qu’accompagnant d’élève en situation de handicap va devenir un vrai métier. La volonté et l’engagement des AVS/AESH mobilisés -dont je fais partie- va finir par payer. Car nous méritons d’obtenir une reconnaissance, avec une vraie formation, une titularisation, et un vrai salaire. »

4 commentaires

  1. Lors de mon entretien professionnel, mon chef d’établissement m’a posé exactement la même question, avec un air dégoûté « mais vous n’allez pas faire ça toute votre vie quand même ? ». Mais quelle image ont-ils donc de notre métier ? La plupart n’ont aucune idée de ce que nous faisons au cours d’une journée de travail…

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  2. J’ai été dans le même cas, j’ai effectuer 5 ans en tant qu’ « EVS », aide administratif de directeur d’école j’ignorais ce que c’était ce job, puis ça m’a plu faire de l’administratif et du scolaire, être en relation avec les enfants avec qui au fil des années j’ai tissé de merveilleux liens. Je peux admettre que nos familles s’inquiètent de nos situations précaire, mais est-ce de notre faute?
    Les AVS-AESH font un superbe travaillent au coté de ses enfants, heureusement que ces personnels existent, je les respecte et admire pour leur dévouement et investissement, car avec certains professeurs d’école, ils seraient rejeter, quels seraient leurs futurs?
    Ces personnels non-titulaire de l’éducation nationale AVS-AESH et EVS demandent, souhaitent et réclament une titularisation depuis des années (comme vous pouvez le lire dans certains de mes commentaires) un statut de fonctionnaire comme les profs, un métier pour une VRAIE reconnaissance ainsi qu’un salaire convenable pour vivre. Oui faire ce métier toute notre vie est enrichissant, épanouissant et nous rends heureux, mais cette situation précaire on la doit au gouvernement qui ont refusés de titulariser ces personnel mais aussi à la DASEN qui sont indifférent à notre sort alors qui sont en lien direct à l’État et l’Éducation Nationale, à certains personnels des écoles (directeurs, enseignants, RASED, référent MDPH, etc…) qui ne se sentent pas concernés alors que nous travaillons dans le même domaine et dans le même sens, certaines familles qui ne bougent juste pour leur enfants et non pour ces personnels. Certaines organisations syndicales et dans quelques départements ont lâcher l’affaire.
    SI les personnels des écoles, familles et non-titulaires étaient tous main dans la main, nos situations seraient améliorées.
    J’ai été EVS mais j’adorais mon job, avant la fin de mon contrat et encore aujourd’hui je me bat (au nom de tous les collègues) pour reprendre ma place , pour obtenir une situation meilleure comme nous méritons.

    Le directeur dans l’école où j’étais affecté (plusieurs mois après mon départ) m’a dit que « c’était finit que je ne reviendrais plus , qu’il fallait que je me détache et tourne la page ». Nous entendons pas mal de réflexions et refrains mais ce n’est pas avec ces raisonnements que nos métiers vont évoluer.

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